Le Forum pour la Mémoire Vigilante, FMV, forge la voie vers la réconciliation effective surtout à travers les jeunes réfugiés burundais en passant par l’enseignement du « passé douloureux mais instructif ».
Dans l’exécution du projet « Truth telling, community dialogue and human rights educational program » (Dire la vérité, dialogue communautaire et programme éducatif sur les droits de l’homme), le FMV a organisé un atelier d’échanges à Huye, un des districts de la province du Sud du Rwanda. L’activité s’est déroulée du 27 au 28 octobre dernier. Une vingtaine de réfugiés burundais, à majorité jeunes ont participé activement à cette session de deux jours.
La session de Huye est la deuxième après celle organisée au camp de réfugiés de Mahama, à l’Est du Rwanda du 6 au 9 septembre 2023.
L’objectif est le même selon le chef du projet, Mr Godefroid Sindayigaya.
« Le projet consiste à dire la vérité sur l’histoire du Burundi, à engager le dialogue entre la communauté des réfugiés, en particulier les jeunes, et à leur enseigner les droits de l’homme », a-t-il dit.
Deux éminents conférenciers animent les sessions. Il s’agit du Dr Dénis Kazungu, Psychologue Clinicien et du Pr Alphonse Rugambarara, historien, homme politique ainsi qu’artisan et signataire des accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi.
Ces panelistes ont souligné que consciemment et/ou inconsciemment le conflit de mémoire est vécu, expérimenté par les victimes et finalement transmis de génération en génération. C’est dans cette logique, insistent-ils, qu’en se basant sur ce que véhicule ce conflit de mémoire, l’on peut distinguer les profils de criminels que l’on retrouve dans toutes les communautés.
Ils rappellent que dans certaines circonstances liées à ces différentes crises survenues à répétition au Burundi, les deux communautés hutu et tutsi ont été toutes victimes mais sont tous restées maintenues, enfermées dans une souffrance à huis clos.
« Tous les pouvoirs qui se sont succédés ont inhibé toute tentative de vouloir évoquer ce passé jonché de crimes. Les victimes trainent alors ce fardeau dans ce silence absolu qui leur est imposé et le vécu traumatique, la haine, le sentiment de vengeance se sont transmis systématiquement de génération en génération dans la logique où chaque communauté se prend pour seule victime et dans le déni total des souffrances de l’autre », remarquent-ils.
Et d’ajouter : « Les victimes n’ont ni accès au contenu de leur histoire en tant que vécu chargé de souffrances, ni accès à des espaces sûres pour au moins exprimer ce qu’ils ont eux-mêmes vu et/ou vécu ».
Or, analysent-ils, « avoir accès au contenu de leur vécu et des espaces de parole ainsi que le monument symbole les rassurent que même les leurs ne sont plus physiquement là, ils ne sont pas non plus totalement éteints et sont même accessibles ».
Les panelistes sont unanimes que pour toutes victimes des deux communautés, « le manque et/ou la privation de l’accès à ce lieu ou aux repères symboles de l’événement équivaut par ricochet à anéantir la ‘continuité de l’existence’ des défunts ».
« Ne pas avoir accès à des activités de commémorations et/ou l’absence de repères commémoratifs par le biais desquels, les victimes peuvent faire face aux conséquences des tragédies vécues, c’est aussi détruire une ressource importante pour les victimes et les bourreaux, par conséquent empêcher toute possibilité de réconciliation. C’est aussi priver les victimes et bourreaux d’une occasion de développer un sentiment d’une histoire commune et des moments qui leur offrent une occasion de réaffirmer leur communauté d’intérêt commun et surtout d’identité commune », recommandent-ils.
Ces psychologues et/ou analystes politiques, convergent pour affirmer que l’expression de revendication de ces souffrances longtemps étouffées, non reconnues chez les victimes des deux communautés se manifeste toujours par voies détournées souvent violentes et brutales.
« Ce qui laisse émerger des profils de criminels hutu comme tutsi qui tuent sur fond de vengeance, d’autres qui tuent dans une logique de légitime défense ou encore ceux qui tuent pour se prémunir ; la logique étant que s’ils ont tué mon père/oncle etc. Je ne dois donc pas rater une occasion de me protéger d’eux ou de leurs enfants ‘devenus par nature des potentiels criminels’ », concluent-ils.
Engagements Forts…
Les participants, émus, saluent cette initiative et prennent des engagements forts. « La compassion et la reconnaissance de la souffrance de l’autre nous amèneront au pardon et à la réconciliation », estiment-ils.
Après avoir suivi attentivement des exposés, place à de nombreuses questions, ils ont ensuite parlé et partagé sur la manière dont ils peuvent construire une paix durable pendant leur séjour e exil ainsi qu’une fois de retour au Burundi. Pendant ce temps, ils ont promis de ne plus se haïr sur la base de leur appartenance ethnique. Ils ont demandé davantage de séances de vérité, car « de nombreux réfugiés ont réellement besoin de connaître l’histoire de leur propre pays ».
Les prochains bénéficiaires du projet sont ceux de Muhanga, n autre district de la province du sud du Rwanda ains que Kigali, la capitale du pays hôte.
Le Forum pour la Mémoire Vigilante (FMV) est une organisation de droit rwandais, qui prend appui sur les valeurs de Mémoire, Éducation et Prévention. Cette ONG est partenaire de la Coalition Internationale des Sites de conscience fondée en 1999 et qui est le seul réseau mondial de Sites de Conscience.
Les deux organisations partagent un engagement commun à utiliser les leçons du passé pour trouver aujourd’hui des solutions innovantes aux problèmes de justice sociale connexes et de lutte contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les atrocités de tout genre.
(Quelques photos de la session)
Merci pour ce travail très bâtisseur, de réconciliation….Mille merci au FMV